RETOUR DE MARCEL JOYEUX

     Depuis le mois de juillet 2012, c’est la deuxième fois que le Groupe de recherches de Gragnague/Castelmaurou et le Souvenir Français du Nord-Est toulousain dont il dépend accompagnent jusqu’au bout de son périple le fourgon des Pompes Funèbres de Saint Jean dirigées par Monique et Sylvio Giménès. Petit clin d’œil d’un destin depuis toujours appelé à se conclure : organisant le retour de son papa, Jean-Pierre Joyeux eut l’agréable surprise de retrouver en Sylvio le fils de son mécanicien qui le tira maintes fois d’affaires mécaniques lors de son engagement dans l’armée en Algérie…!

 

 …..L’histoire qui nous réunit ce jour débute en 1944. Le 27 juin, dans un bois de la banlieue toulousaine, le Bois de la Reulle, quinze résistants furent fusillés par les nazis de la triste division Das Reich. Arrêtés tous depuis le début l’année, ils furent amenés depuis la prison Saint-Michel où ils connurent enfermements et tortures. Ils eurent pu être seize victimes de la barbarie fasciste si l’un d’entre eux, Jaïme Soldevilla, n’avait réussi à s’enfuir.

 

     Après la Libération de Toulouse et du département de la Haute-Garonne qui s’est déroulée après de durs combats les 19 et 20 aout, les populations de Castelmaurou et de Gragnague découvrirent la réalité du drame du 27 juin. Escortant en masse des soldats de la Wehrmacht prisonniers afin qu’ils creusent la terre comme les SS l’avaient fait faire aux prisonniers avant que ne soit ordonné le feu, elles connurent une vision d’épouvante.

 

     Déposés dans des caisses de bois blanc, la couleur de la pureté, les corps furent amenés devant la mairie où ils reçurent la bénédiction de l’abbé Saint-Raymond et les honneurs militaires.

 

     Dix furent récupérés par leurs familles. Cinq non identifiés furent pris en charge par les Pompes funèbres Municipales de Toulouse qui leur offrirent un carré de terre dans le cimetière de La Fourguette dans la ville rose.

 

     Cette situation dura jusqu’en avril 1990, date à laquelle la municipalité en quête de terrains disponibles se demanda si les restes devaient être versés en une fosse commune ou si Castelmaurou voudrait bien les récupérer. Lucien Paul Pouget, en responsabilité de maire à ce moment là ne tergiversa pas : il était hors de question de fosse commune. Ainsi, caveau dédié fut construit et la stèle élevée à l’endroit même du drame fut déplacée au cimetière communal.

 

     Bien lui en a pris.

 

      Depuis, Loulou Gibert, président local du Souvenir Français a façonné à l’identique le monument posé au même endroit.

 

       Les bonnes idées n’étant en rien liées au temps qui passe, 2006 apprécia néanmoins les premiers pas des recherches dans lesquelles se lança un Groupe, réduit au départ mais rapidement étoffé, où des gens de bonnes volontés se mirent à voyager d’archives départementales à d’autres des Musées de la Résistance et de la Déportation, de centres historiques de l’armée à ceux de la gendarmerie nationales, de Toulouse à Bordeaux, de Le Blanc dans l’Indre à Vincennes, de Caen à Bruxelles….

     En chemin, un livre naquit, des dossiers appelèrent d’autres dossiers, des rencontres fabuleuses se développèrent.

 

     L’une d’entre elles fut décisive. Elle prit le visage d’un couple. Soudé, amoureux depuis toujours et pour toujours, Rose de Hepcée et Michel Fischer-Touret  avaient pris le relais de la maman de Rose, Micheline de Sélys-longchamps, qui dès son retour des camps de concentration de Ravensbrück et de Bergen-Belsen n’avait eu de cesse, toute sa vie de rechercher son résistant de mari Charles dit Charley de Hepcée, major-capitaine de l’Armée de l’air belge qui, dès la débâcle, avait fait sienne la Résistance au point d’organiser à Halloy en Belgique un home d’enfants dont la vérité était de cacher des enfants juifs et, sur notre frontière avec l’Espagne deux réseaux de renseignements et d’évasions au passage de l’Iraty en Plein cœur du pays basque et en Ariège sur les chemins de la Liberté.

 

     Nos recherches respectives ne furent plus qu’une avec des initiatives comme celles de l’exhumation des restes des cinq corps en novembre 2011 possible grâce à des contacts liés par Rose et Michel avec le laboratoire de l’Institut Médicolégal de la Faculté de médecine de Strasbourg en les personnes des docteurs en anthropologie Bertrand Ludes, Christine Keyser et Tania Delabarde et l’engagement du Conseil Municipal de Castelmaurou qui permit à madame le maire Magali Mirtain-Schardt d’autoriser l’opération qui nous ouvrit l’identification de trois ADN exploitables.

 

   

 

    

 

 

 

 

 

 

  

 

Ainsi, alors que le Groupe apprenait les démarches à suivre, notamment juridiques avec l’appel d’un avocat et l’autorisation nécessaire du Tribunal de Grande Instance de Toulouse afin d’officialiser les résultats des laboratoires compétents de Strasbourg confirmés par celui d’Epinal, il apprit qu’il avait retrouvé Charles de Hepcée dit « Charley » et  donnait ainsi identité à ses restes et honneur à son nom.

 

La bonne nouvelle fut annoncée à l’opinion publique le 30 juin 2012 lors des cérémonies commémoratives annuelles sur le site et  Charley put alors rejoindre Micheline sur leur terre du château d’Halloy à Ciney Braibant dans la province de Namur en Belgique le 24 juillet suivant.

 

     Le travail se concentrait ensuite sur Marcel Joyeux. A temps plein alors que, déjà depuis plusieurs mois, le prénom et le nom s’incrustaient dans différentes têtes.

 

     Né le 29 mai 1911 à Saint Denis dans le département de la Seine, fils de Marceline Busseau et d’Auguste, grand mutilé de la guerre de 1914/1918, Marcel Joyeux était capitaine de l’armée de l’air et moniteur de vol à voile.

   

  A partir de septembre 1942, Marcel Joyeux s’était engagé dans une activité de Résistance particulièrement intense en tant que membre des réseaux comme les Services Spéciaux Militaires Français/Travaux Ruraux, l’Armée Secrète, les Renseignements Militaires dépendant de Londres et les groupes d’actions directes sous l’égide de Marcel Taillandier au sein du Groupe Morhange et de René Soucasse avec celui de Saint-loup Cammas où il lutta aux côtés de Claude Charvet, de Robert Toubiana et de Marcel Mercié qui furent eux aussi fusillés dans ce Bois de la Reulle situé sur la commune de Gragnague tout en appartenant à une famille de Castelmaurou.

 

 

     Intrépide, courageux, Marcel Joyeux dit «  Joy ou Joly » recrutait et formait les militants dans les usines d’aviation et dans les milieux étudiants. Ses équipes prélevaient des armes dans les stocks militaires camouflés et les cachaient dans différents dépôts disséminés dans la région toulousaine. Elles organisaient également des évasions et des coups de main contre l’occupant et ses collaborateurs. En contact étroit avec le capitaine Louis Pélissier dit «  Carton » et Marcel Taillandier plus connu sous le nom de guerre «  Morhange », il a sauvé la famille de Jules Pêcheur, industriel lorrain et directeur d’une entreprise de transport venu résister dans le sud-ouest. En juin 1943, il devint l’un des adjoints de Serge Ravanel quand celui-ci fut nommé chef régional des Groupes Francs des MUR, les Mouvements Unis de la Résistance.

 

     Le 24 mars 1944, la Gestapo l’arrêta rue des Chalets à Toulouse en compagnie d’un nommé Longin dit «  Durand » sur qui le Groupe de recherches se penche actuellement.

 

     Incarcéré à la prison Saint-Michel et torturé rue Maignac, aujourd’hui rue des martyrs de la Libération, où se situait le siège de la Gestapo, nul ne sut depuis cette époque à quel sort il fut contraint.

 

     Comme pour Charley de Hepcée, maintes hypothèses furent avancées pour expliquer sa disparition à Toulouse, à la prison de Fresnes, en déportation ou à Sémur-en-Auxois…..

 

 

     La persévérance du Groupe et, certainement sa part de chance, ainsi que les qualités professionnelles des employés des laboratoires ont finalement permit de découvrir que l’engagement les armes à la main de celui que nous appelons maintenant affectueusement Marcel s’est terminé aux côtés de ses frères de combats, ses compagnons de lutte contre l’occupant nazi sur l’herbe à jamais brûlée et souillée d’une clairière du Bois de la Reulle limitrophe des communes de Gragnague et de Castelmaurou.

 

 

     En ce jour du 5 novembre 2013, ce n’est pas sans reconnaissance envers ses engagements tenus au péril de sa vie et sans fierté de lui avoir rendu honneur, dignité et identité que nous ramenons Marcel Joyeux  auprès de son épouse Marguerite, et auprès de  sa famille qui l’attendaient depuis près de soixante dix ans sur cette terre poitevine d’adoption de   Saint-Benoit et de Jaunay-clan.

 

     Paix à ton âme et merci pour tout Marcel.

 

 

 

                                                      Le Groupe des recherches

      Des Fusillés du Bois de la Reulle

 

                                 Gragnague/Castelmaurou