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  Charley de HEPCEE

 

Soixante huit ans après son assassinat par les nazis le résistant inconnu rentre  chez lui.

              L’INIMAGINABLE   RETOUR

 

 

     L’extraordinaire histoire de la découverte de l’identité de l’un des cinq résistants inconnus fusillés par les SS du 2éme bataillon de  réserve à la Division Das Reich  dans le Bois de La Reulle limitrophe des communes de Gragnague et de Castelmaurou fait depuis plusieurs semaines l’objet de toutes les attentions journalistiques. Et des lectrices et des lecteurs subjugués par la ténacité qu’a nécessitée une telle aventure humaine.

 

     Les populations de ces deux communes du nord-est toulousain confirmèrent d’ailleurs concrètement ce sentiment en participant grandement le 30 juin dernier à la réussite de la journée d’hommages dédiée aux quinze résistants tombés sous les balles nazies le 27 juin 1944. C’est au cours des cérémonies réalisées à Gragnague lors d’une messe, sur le lieu du drame avec de nombreuses interventions dont celle remarquée des écoliers et devant le monument aux morts de Castelmaurou que fut annoncée officiellement la découverte de l’identité de Charles de Hepcée, l’un des cinq inconnus conservés dans le cimetière communal depuis 1990.

 

     La dernière pierre de cette fabuleuse épopée vient d’être déposée en Belgique les 23, 24 et 25 juillet dernier avec le retour des cendres de Charles dit  « Charley » de Hepcée déposées dans le caveau familial.

 

     Une belle représentation du Groupe de recherches participa à toutes les cérémonies organisées avec beaucoup d’émotions par Rose, Claire et Monique de Hepcée, les filles du Major-Aviateur arrêté au Pont de la Taule en Ariège le 13 avril 1944 et de Micheline de Sélys Longchamps qui rechercha son époux toute sa vie dès le retour des camps de concentration de Ravensbrück et de Bergen-Belsen.

 

     Conduite par Magali Mirtain-Schardt, le maire, et deux de ses adjoints Danièle Sudrié et René Durand, tous trois ceints de leur écharpe bleue blanc rouge côtoyant dans une belle fraternité celle de couleurs noire, jaune et rouge, Romain Pouyenne, les époux Gibert du Souvenir Français, Delattre-Attia défendant le dossier Saint-Michel , Rieu de l’association du Chemin de la Liberté qu’emprunta jusqu’à son arrestation Charley de Hepcée, Tania Delabarde , anthropologue de l’Institut Médicolégal de Strasbourg , Charlie Mazingue, colonel de l’Armée retraité et Georges Muratet, cette équipe soutint en permanence Rose l’une de ses sociétaires qui venait de perdre Michel Fischer-Touret son époux et membre de tous ses combats le 27 juin dernier, la date maudite de l’arrestation de son papa.

 

   

 

 

 


L’hommage débuta par une allocution de Rose et une veillée funèbre qui suivit l’arrivée du fourgon funéraire conduit par Sylvio Giménez secondé par Monique, son épouse, que Rose précédait de quelques mètres ( Michel occupait le siège passager de toute son absence). Depuis la Haute-Garonne et le village de Saint-Jean, René Durand et Georges Muratet entouraient Charley pour un voyage en suspens depuis soixante huit ans.    

 

 Le lendemain, René Durand fit l’historique du travail effectué depuis plusieurs années par le Groupe de recherches, sa rencontre avec Rose et Michel, les déplacements pour étayer le dossier, l’exhumation des corps, l’ADN, le TGI de Toulouse et la découverte de l’identité tant espérée. Une messe chamboula toute la vie du village avec la présence d’une énorme assemblée et celle de la Belgique symbolisée par le représentant du Roi, les Forces Armées, sa population. Les interventions se succédèrent au cours de l’office accompagné par la musique militaire, un organiste et une chorale chantant à capella alors qu’une Garde d’Honneur entourait pendant deux heures le cercueil, le regard fixé sur les porte-drapeaux. Après celle de Claire pour la famille vinrent celles des officiers  de différentes armes dont celle du successeur de Charley à la tête de la 5° escadrille, une autre émouvante d’ un «  enfant caché » de plus de soixante dix ans qui devait sa vie comme tant d’autres juifs à Charley et celle de Magali Mirtain-Schardt, accompagnée d’un petit enfant, pleine d’humanité au point que, fait absolument inédit, elle tira le représentant du Roi de sa discrétion appuyée gantée sur un sabre et lança une salve collective d’applaudissements déjà inscrite dans les annales du royaume.

 

     L’ultime voyage pour que Charley et Micheline se retrouvent pour l’éternité mena le cercueil tout en haut d’un bois, dans une clairière faite d’ombres et de lumière, ouverte sur le ciel. Cette situation permit à l’assemblée de voir arriver de loin une escadrille d’avions dont celui de tête offrit une figure une fois arrivé au dessus des têtes levées. Elle venait saluer Charley que ses petits-enfants venaient de porter depuis le fourgon funéraire au son d’une cornemuse écoutée religieusement et utilisée avec art par un musicien vêtu d’une tenue de circonstance.

 

     Puis Monique, la sœur ainée rendit hommage à la persévérance de Rose et Michel pour retrouver leur papa. La dernière intervention fut offerte au Groupe de recherches. Georges Muratet la prononça. Palpable, son émotion se mua en larmes au moment de prononcer la dernière phrase : «  Allez, Charley….Il est temps de rentrer….chez toi ! »

 

 

 

 

 Jean-Claude PAVIO             

                                          

 


RETOUR  A HALLOY

 

 

Il était fatigué.

 

Il voulait s’asseoir là, près de Pont de la Taule.

 

Quatre ans qu’il les traversait ces Pyrénées. Autant de l’autre côté, en plein milieu de la fierté basque en traçant le Passage  de l’Iraty, qu’ici, en terre d’Ariège, en Terre Courage, sur ce Chemin de la Liberté.

 

 

Plus tard, la traversée de la France ne prendra, au pire, qu’une seule journée. Un arrêt toutes les deux heures et la Belgique ouvrira ses bras. Pour quelques kilomètres de bon Halloy.

 

Pour l’heure, il va lui falloir plusieurs semaines.

 

De quoi manquer le débarquement !

 

Il voulait s’asseoir là…

 

Des mains mal intentionnées en ont décidé autrement. Elles l’ont conduit derrière un mur crénelé. Saint Michel qu’il se nommait ce château. Comme le saint-patron de ces hommes qui vont tomber du ciel de Normandie.

 

Puis on l’a amené dans un bois.

 

Des mots prononcés avec l’accent de la langue de Goethe ont saisi l’orée d’effroi :

 

_ Ici…Repose !

 

L’ordre a claqué comme un coup de fusil.

 

Puis il s’est affaissé.

 

C’était il y a soixante huit ans.

 

Allez Charley…Il est temps de rentrer. Chez toi.

 

Georges  Muratet